dimanche 30 mars 2008

Rénover, dans quelle direction ?

Depuis maintenant quelques mois, l’affaire est entendue : il faut rénover le Parti Socialiste. Tout le monde s’accorde sur ce point. Il faut rénover le Parti Socialiste. Bien. Mais le point essentiel n’est pas en réalité de savoir si le Parti doit se rénover ou non, ce qui compte c’est de savoir quel doit être le contenu de cette rénovation. A en croire bon nombre d’éditorialistes, le Parti doit se moderniser. Ce qui en général signifie changer d’alliance et/ou de leader. Abandonner un PCF jugé « archaïque » et préférer le MoDem. Sans qu’on sache bien d’ailleurs ce qu’est aujourd’hui le MoDem. Pour beaucoup, il s’agirait aussi essentiellement d’un problème de leadership. C’est en tout cas ce qui ressort à la lecture de la plupart des journaux : on n’y lit aucune analyse de fond, seulement des estimations sur les éventuels-peut-être-pourquoi-pas-un-jour-futurs-candidats au poste de premier secrétaire à l’automne et à l’Elysée en 2012.

Je crois qu’on se trompe dans la définition du problème. Car savoir qui sera le meilleur candidat pour 2012 n’est pas d’une grande utilité dans une optique de long terme. En se focalisant sur les questions de personnes, on risque de ne penser qu’en termes d’image et non de fond. C’est une vision néfaste de la politique et de la démocratie. C’est croire que l’électeur est abruti et ne choisit que sur des questions superficielles, ce qui n’est pas complètement faux, mais c’est surtout croire qu’il ne peut en être autrement. Sarkozy n’a pas convaincu que la politique qu’il comptait mettre en place serait bonne. Il a raconté une histoire, fait croire et rêver l’électeur. C’est pourquoi aujourd’hui il déçoit. Etre réellement socialiste ne saurait être compatible avec une telle conception de la politique. Car c’est aussi être antidémocrate que de raisonner ainsi : il s’agirait de convaincre par des techniques de marketing de porter telle ou telle personne au pouvoir, en sachant très bien que ce n’est pas pour une politique que l’électeur se prononce… Bref, on ne doit pas concevoir la politique qu’en termes de pouvoir. L’essentiel n’est pas que ce soit le candidat du PS qui soit élu en 2012 à l’Elysée.


Non. L’essentiel c’est la politique qu’un tel président mettra en place et c’est que l’électeur ait choisi cette politique en connaissance de cause parce qu’on l’aura convaincu. C’est la seule solution pour pouvoir mettre en place une réelle politique socialiste, car c’est en convaincant vraiment, sur les solutions politiques, que le pouvoir restera suffisamment longtemps aux socialistes afin qu’ils puissent apporter des solutions innovantes, sociales, humaines aux défis du siècle. Si le débat ne porte que sur « quel candidat sera le mieux placé pour vaincre Sarkozy en 2012 », une chose est certaine, c’est qu’en quelques mois, les Français seront déçu d’un choix qu’il n’auront fait qu’à moitié. Comme en 1981, comme en 1995, comme en 2002, comme en 2007… Non, l’effort du Parti Socialiste doit avant tout se porter dans deux directions. D’abord une rénovation idéologique. Ensuite une popularisation des thèmes et des solutions socialistes.

La réflexion idéologique d’abord. Il faut commencer par se retrouver autour des valeurs qui seront le fondement d’une doctrine socialiste. Pour moi, ces valeurs s’articulent autour d’une recherche de l’émancipation et la libération de la personne humaine. Dans une vision de l’homme qui considère l’égalité des individus, quels que soient leur sexe, leur âge, leur origine, leur nationalité, leur parcours, leur religion, tout en la conjuguant avec l’unicité des ces mêmes individus. Enfin, un corps de valeur qui voit le genre humain non comme une somme d’individus mais comme un corps social qui se doit d’être solidaire.
En résumé : émancipation humaine, égalité, solidarité… et ce à tous les niveaux : local, national, européen international. A ces valeurs traditionnelles de la gauche socialiste, il faut aujourd’hui ajouter l’exigence écologique : le pragmatisme nous obligerait déjà à ne pas détruire plus notre unique milieu vital, mais les valeurs déjà citées nous dictent de ne pas forcer nos descendant à vivre dans une porcherie infernale. Il faudra ensuite concevoir des solutions politiques concrètes et réalistes, globales et ambitieuses, qui permettent d’imaginer puis de réaliser une évolution de la société afin de répondre au mieux aux exigences de ces valeurs fondamentales. Je ne connais pas ces solutions bien sûr (même si j’ai quelques idées, je les développerai dans un autre texte, ici ce n’est pas le sujet). C’est justement là que doit intervenir le Parti. Parce que se mettre grosso modo d’accord sur les valeurs que nous voulons défendre n’est pas bien compliqué (encore que…). L’étape difficile c’est de traduire cette volonté en force de proposition. Et justement, le PS compte en son sein de nombreux intellectuels compétents. Et encore bien d’autres sont des « compagnons de routes ». Economistes, sociologues philosophes, politologues, historiens, urbanistes, géographes… et sûrement des biologistes (écologues de préférence). Pourquoi ne pas mettre à profit ce vivier d’intellectuels, qui ne demande sûrement pas mieux, pour imaginer ces solutions ? Pas pour tirer un trait sur tout ce que les socialistes ont pu penser depuis un siècle. Non, pour adapter, innover à partir de ces différentes idées et construire un projet cohérent et réellement socialiste qui réponde à la situation qui est celle de la France, mais aussi de l’Europe et du monde, aujourd’hui. Des solutions qui devront dans le même temps se confronter aux débats avec les militants et à un aller-retour de discussions avec la population. Discussions organisées dans le cadre d’un travail de terrain qui doit former selon moi le deuxième axe de l’action future de Parti Socialiste.

Le deuxième axe de ce qui devrait être l’action du Parti Socialiste est donc le travail de popularisation des valeurs, des thèmes et in fine des solutions des socialistes. Travail qui devrait être bien plus ambitieux, bien plus profond qu’une simple campagne électorale, essentiellement télévisée. Car comme je le disais plus haut, pour espérer avoir les moyens de mettre en place une politique socialiste, il faut vraiment convaincre la population. C’est donc sur le terrain idéologique que la propagande (acceptons le mot dans sa définition non totalitaire : travail de communication en vue de convaincre sur un terrain politique) doit jouer. On sait tous que la télévision, et la plupart de médias de manière générale, se prêtent mal à de longs débats ou argumentaires. Je pense que pour convaincre il faut réellement aller vers les gens. C’est d’un travail de terrain que pourra émerger une France socialiste. Comment faire ? Là encore, je n’ai pas de réponse toute faite. Le PS est lié à un grand nombre d’associations de terrain, il y a sûrement quelque chose à faire de ce réseau. Ensuite, il faut utiliser au mieux le réseau des militants. Pour organiser des diffusions de tracts, des journaux locaux (qui traitent à la fois des enjeux locaux et nationaux)… Et surtout organiser des réunions, dans les entreprises, dans les quartiers pour (re)créer un lien avec les couches populaires (ah, que je n’aime pas cette expression !) et le Parti. Ce qui nécessite de revaloriser la place des militants dans le Parti. Bref, il faut faire du PS un parti de militants et non de notables. Et peut-être un jour un parti de masse. C’est par un tel travail de longue haleine, en ressassant parfois certains thèmes, en convaincant pied par pied qu’on construira quelque chose de durable. Renforcer le lien entre le Parti et le peuple passe aussi par une meilleure écoute qui fasse remonter les revendications populaires jusqu’aux débats idéologiques, une écoute qui soit aussi une forme de conseil aux personnes en situation difficile (comme parfois les syndicats au sein de entreprises) et donc une écoute créatrice de confiance

Finalement, c’est l’hégémonie idéologique que nous devons chercher car l’hégémonie idéologique ne pourra amener à long terme que la victoire politique, et si le travail préparatoire idéologique a été bien mené, celle-ci amènera à son tour la victoire sociale.


Source : Colin

11 commentaires:

Melchior Griset-Labûche a dit…

D'accord, d'une façon générale.
Deux remarques: 1)l'exigence écologique me paraît plus pressante que tu ne l'indiques: il y a véritablement urgence; 2) l'expression que tu n'aimes pas (créer un lien avec les couches populaires) est le symptôme d'un véritable problème (que le PS traîne depuis 1905, en fait...).

Anonyme a dit…

Pour être précis, c'est "couche populaire" que je n'aime pas. Parce que bon, le peuple c'est tout le monde finalement...

Anonyme a dit…

Je partage l'essentiel de ton propos avec une réserve sur la question du leadership...
Dans l'absolu les idées priment sur les indvidus... dans la réalité beaucoup moins... et dans le cadre de l'inversion de calendrier faite par Jospin... c'est devenu incontournable...
Et je suis de ceux qui pensent que personnalité et idées sont indissociables... je le prends comme un fait... car ceux les "hommes" qui font vivre les idées

Melchior Griset-Labûche a dit…

À Marc
Je tiens l’inversion de calendrier pour une grosse bêtise; bon, maintenant il faut faire avec, en attendant la 6ème république. Ce sont « les hommes » (plus d’un sur deux étant une femme) qui font vivre les idées, en effet. Mais c’est bien des idées qu’il faut discuter d’abord, plutôt que de ceux qui les portent au sommet après discussion.
Je veux bien admettre que par exemple SR tape sur les nerfs de certain(e)s, mais cela ne doit pas discréditer d’office ses mots d’ordre. Celui de « l’ordre juste », par exemple, me paraît irréprochable.
À Colin
«  Le peuple est tout le monde ». Ben oui. A ceci près que certains sont plus le peuple que les autres.
À Marc et Colin ensemble
Le problème avec la présidentialisation, c’est que le peuple est invité à s’identifier à une personnalité, non à un programme porté par une partie de lui-même.

Anonyme a dit…

Pour avoir milité près de 10 ans à la fin des années 80- début 90', je crains 2 choses : un combat de personnes du type congrès de rennes ou une synthèse minable comme au Mans.

Le PS est trop étroit... réduit à quelques notables, futurs et anciens notables qui pensent surtout à leur pomme... Souvent les réunions de section, c'est cause toujours... Sans parler de certaines pratiques...

Je pense qu'il doit s'ouvrir, voire se refonder en évitant de sombrer dans un "parti de supporters".

Anonyme a dit…

Pour avoir milité près de 10 ans à la fin des années 80- début 90', je crains 2 choses : un combat de personnes du type congrès de rennes ou une synthèse minable comme au Mans.

Le PS est trop étroit... réduit à quelques notables, futurs et anciens notables qui pensent surtout à leur pomme... Souvent les réunions de section, c'est cause toujours... Sans parler de certaines pratiques...

Je pense qu'il doit s'ouvrir, voire se refonder en évitant de sombrer dans un "parti de supporters".

Belle initiative que ce blog si ça permet d'ouvrir un débat dépassionné sans anathème ni insulte.

Anonyme a dit…

Je souscris à tes propos pas perdus.
Bah il y a un peu de tout ici... même des sympathisants... c'est dire :-)

Anonyme a dit…

Effectivement, inversion de calendrier et présidentielle nous pousse à nous identifier à des personnes.

Face à ce constat qu'est ce qu'on fait ? On doit bien faire avec les institutions, ne serait-ce que si on veut les modifier.
Mais je pense surtout que dans le même temps on doit faire tout notre possible pour montrer notre différence sur les idées et faire entrer dans un maximum de tête que c'est cela qui compte réellement.
Evidemment, c'est pas en se contentant d'invitations au JT qu'on pourra faire ça...

Anonyme a dit…

Colin... c'est tout l'esprit de ce blog... très, très modestement tenter de remettre la priorité sur les idées avant les hommes ou les femmes chargés de les incarner

Anonyme a dit…

Yop. C'est pour ça que j'ai envie de dire "vive toi !"
;-)

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup l'esprit d'entreprendre militant qui se dégage de cette démarche. Je pense aussi que la solution passe par un travail de proximité auprès de la population et ce pendant les 4 années qui nous restent. Car beaucoup de gens ne croient plus en la politique parce qu'ils ne voient les militants que lors des élections. Il faut changer cela et insuffler une démocratie nouvelle pour faire de ce parti un parti populaire de masse.
Seulement ce ne sera pas dissociable de la présidentialisation du parti. Il faudra un leader clairement identifié pour la mettre en musique, pour la populariser dans les médias et donc pour attirer des participants. Ce qu'à fait ségolène Royal en 2 mois, on devrait pouvoir le faire en 3 ans.

Bravo pour ce blog qui m'inspire un post pour DA.

Salutations socialo-ségolènistes