vendredi 27 juin 2008

Pour une nouvelle sécurité Sociale

La lente désindustrialisation des pays dits développés, de l’Europe et de la France doit autant à des mécanismes exogènes qu’à des mécanismes endogènes.

Avant tout, l’accélération de la globalisation tient à l’avantage comparatif que confèrent aux pays émergeant des législations sociales, fiscales environnementales bien plus légères que les nôtres. Elle tient aussi à un coût du travail qui, pour longtemps encore, est susceptible d’absorber la hausse du prix de l’énergie, des matières premières et du transport des marchandises. Autrement dit, malgré les investissements directs qui se poursuivent des pays du Sud dans les pays du Nord liés au gonflement des fonds souverains notamment, on ne voit pas bien comment peuvent s’enrayer les délocalisations. Or un emploi industriel qui disparaît correspond à la destruction de 3 à 5 emplois "périphériques" qui, souvent, ont l’avantage d’absorber une main d’oeuvre peu qualifiée.

Une fiscalité imbécile

Inventé en 1975 par Jacques Chirac, l’assiette de la taxe professionnelle était constituée d’un pourcentage de la masse des salaires et de la valeur d’achats des immobilisations. Conscient que ce nouvel impôt pouvait constituer un frein "fiscal" à l’emploi, le gouvernement de Lionel Jospin, de 2000 à 2002, a progressivement supprimé la partie salariale de l’assiette. Il reste que, compte tenu des avantages comparatifs que confèrent aux pays dits développés les investissements productifs, nous serions avisés de refondre le plus vite possible un impôt que François Mitterrand n’hésita pas à qualifier en son temps d’impôt imbécile !

L’émergence de la CSG

Mais, c’est avant tout en matière de fiscalité sociale qu’il faut trouver les raisons endogènes à la lente désindustrialisation de notre pays. Avant la mise en oeuvre de la CSG (Contribution Sociale Généralisée), l’assiette des cotisations sociales était constituée des seuls revenus du travail : revenus des salariés et revenus des professions libérales et agricoles. Les revenus de la rente produite par la perception de loyers ou bien d’intérêts liés aux actions et aux obligations, les profits des entreprises sont encore aujourd’hui pour l’essentiel exemptés de fiscalité sociale. Le gouvernement de Michel Rocard en 1991 a sensiblement modifié la donne en ouvrant une autre voie par la mise en place d’une cotisation sur l’ensemble des revenus d’activité, adossant de fait l’assiette de la CSG à la valeur ajoutée. La CRDS (Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale) créée en 1996 par le gouvernement d’Alain Juppé a curieusement prolongé le dispositif. La CSG et le CRDS ne sont ni plus ni moins que l’embryon de l’idée d’une Cotisation sur la Valeur Ajoutée généralisée et se substituant au régime des cotisations tel qu’il s’applique aujourd’hui aux seuls revenus du travail.

Implosion de notre système par répartition

Depuis 1983, dans les pays du G7, la part des salaires dans le PIB a glissé de 5.8% entre 1983 et 2006. Pour la France, c’est 9.3% selon l’INSEE. Cela signifie, de façon corollaire, que les autres revenus (rentes et profits) regroupés sous la désignation d’EBE (Excédent Brut d’Exploitation) ont augmenté dans la même proportion. Le fait que la France soit l’un des pays les plus concernés n’est pas dû au hasard. Les acteurs économiques ont parfaitement entérinés l’élément selon lequel les revenus du travail étaient aujourd’hui lourdement fiscalisés. Notre fiscalité sociale a très largement contribué à l’explosion des stocks-options qui, pour l’heure, malgré les multiples rapports de la cour des comptes, restent exonérés de cotisations sociales. Par ailleurs, en multipliant les régimes dérogatoires en faveur des bas salaires, les pouvoirs publics transfèrent la charge de la fiscalité sociale vers l’impôt. Or depuis 30 ans, la part de l’impôt sur le revenu et sur les bénéfices dans le produit des recettes de l’Etat est en baisse constante. Nous organisons, par notre fiscalité, la faillite de nos régimes sociaux. Comment, dans ces conditions, pouvons-nous espérer la création d’une 5ième branche alors que nous peinons à financer le reste ?

TVA sociale : un leurre "idéologique"

Face à ces questions centrales qui touchent à la cohésion sociale et aussi à la compétitivité des entreprises, la réponse des conservateurs s’organise. Que ce soit au Danemark ou en Allemagne, les gouvernements ont fait le choix de la mise en oeuvre d’une TVA "sociale" qui n’est, au final, que l’augmentation des taux de la TVA de ces pays appliqués en partie ou en totalité à l’ensemble des produits consommés. C’est le consommateur qui supporte la charge de la fiscalité sociale ramenant l’idée de la progressivité de l’impôt aux oubliés de l’histoire. Or, on le sait, la hausse de 1 à 2% de TVA n’impacte pas de la même façon les bas et les hauts revenus sachant que le taux d’épargne s’élève avec le niveau de revenu.

La nécessité de la mise en oeuvre de la CVA

En appliquant un taux unique de cotisation (sur la valeur ajoutée), cela permet de lisser la fiscalité sociale à l’ensemble des revenus d’activité. En abaissant la fiscalité sociale sur l’emploi et les entreprises, nous pouvons espérer un accroissement de la compétitivité et aussi un transfert important de fonds de l’économie financière vers l’économie réelle, un renforcement de l’autofinancement et, au premier chef, une reprise de l’investissement productif et de la croissance interne. La mise en oeuvre de la CVA est aussi la garantie, par l’élargissement de l’assiette et la suppression des plafonds, du maintien du régime de répartition. La mise en place d’un système par capitalisation a deux défauts majeurs : il contribue au gonflement de l’épargne de précaution et de la bulle spéculative ; il engendre de l’incertitude quant à l’avenir et risque de provoquer de nombreux freins à la consommation. En faisant le choix de la mise en oeuvre de la CVA, nous faisons le choix de l’efficacité économique et sociale !


source : Emergence(s)

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